Bon, il fallait pas à ce que je m'attende à un discours de mon interlocuteur, beaucoup moins loquace que Kate, la SOLDIER que j'avais rencontré et qui m'avait fait une brève visite guidée de la Tour. Mais il n'hésitait pas à confirmer que la soirée n'était pas du tout de son goût. Et c'est pas les jolies filles qui manquaient pour autant.

Je me mis donc à arborer fièrement les deux invitations, la vraie, l'officielle, à côté de celle que j'avais habilement "détourné". Alors, la situation s'inversait totalement, de simple lanceur d'alerte me voilà considéré comme un suspect potentiel. Oulah, je n'avais pas dû être suffisamment claire dans mes intentions ou alors j'étais tombé sur quelqu'un de complétement zélée ou enterré dans la procédure à appliquer. Mais heureusement, il s'était accordé un temps de réflexion et le soupir semblait montrer que la situation lui plaisait pas. Il ne semblait pas savoir sur quel pied danser avec moi et de ce que je venais de lui apprendre.

- Oulah, ne vous méprenez pas. Je veux juste dire que niveau sécurité c'est léger ici. Je pense pas que mon "produit" passe vraiment la sécurité mais si moi j'ai réussi à faire ça avec la simple bureautique de mon bureau alors des pros ont peut être pu laisser entrer des mecs en douce, voilà juste ce que je dis. Et qu'en passant par vous, peut être que l'info remonterait vraiment pour faire acte de prudence. Moi, on ne me prête pas attention, m'voyez ?

En vrai, je n'avais jamais mentionner cette faille à la Shinra. D'une, parce que ce n'était pas en mon intérêt, mon contact n'aurait pas pu se dégoter le précieux sésame pour accéder ici. De deux, parce que je sais que le résultat aurait été qu'on me rit au nez. Au mieux. Je n'étais pas très grand, on aurait pu me rire au front aussi. J'ai toujours du mal à comprendre ce genre d'expressions d'ailleurs.

- Sachant que vous êtes ici, j'imagine qu'il ne se passera rien ce soir mais disons que je ne suis pas à l'aise si jamais vous êtes pas dans les parages. Qui serait assez fou pour faire quoi que ce soit en votre prés...

Il suffit de dire quelque chose parfois pour que le contraire se déroule. J'avais vu la scène se dérouler au loin, ne comprenant pas ce qu'était cet OVBNI (Objet Volant Beurré Non Identifié). J'avais reculer d'un pas par la crainte de cet évènement inconnu avant de voir que l'objet retombait sur quelqu'un. Il y'avait des morts, des blessés ? Finalement, l'effet de panique semblait très localisé.

- Euh... Cet individu est louche, non ? Vous allez l'arrêter ?

Et je n'avais pas reconnu un autre SOLDIER, et je n'avais pas saisi qu'il s'agissait d'un toast. Mais en scrutant la scène, je crus identifier ma cible prochaine.

Se fondre dans le décor, se fondre dans le décor, se fondre dans le décor.

Lia le savait. En étant présente à cette soirée, bien qu'elle se passe dans des locaux qu'elle arpente fréquemment et que les employés de la Shinra (sauf ceux qui n'avaient pas la chance de la croiser) allait forcément faire rejaillir sa renommée à un moment ou à un autre. Par la multitude d'invités extérieure à la firme, elle savait que quelqu'un allait la reconnaître et vouloir une photo, une dédicace pour sa fille "Espadrille" ou toute autre chose banale pour une célébrité.

Elle savait aussi que ça faisait partie de sa fonction, de sa tâche. La rançon de la gloire comme on dit. Deux solutions s'offrent à elle. Jouer le jeu à fond ou ne pas venir. Or ce soir, aucune de ces deux solutions étaient viables.

Ne pas venir c'était manquer de respect à sa boîte, à son ex-président et à son nouveau président en même temps. Jouer le jeu de la séance de dédicace, cela aurait été déplacé et donc un manque de respect à sa boîte, à son ex-président et à son nouveau en lui piquant la vedette.

Alors ne pas venir en prétextant être malade. C'était mentir à son équipe, pas fou.

Se déguiser. C'était venir mais ne pas montrer qu'elle était venue, aucun intérêt.

Jouer la carte du deuil à fond. On viendrait pas l'embêter mais il valait mieux se ranger du côté des vivants à la Shinra.

Ne passer qu'une tête à un moment où on la verrait, et disparaître au moment du discours. Cela montrerait sa présence puis en disparaissant, ne ferait pas d'ombre au néo-leader. Elle pourrait toujours assurer qu'elle avait été bien présente pendant les mots de l'homme au manteau blanc mais que tellement captivée par l'éloquence de l'individu, plus personne ne prêtait attention à elle et que c'était bien normal.

C'était sa stratégie jusqu'à ce que...

- C'est Jojo Reblochon qui s'occupe du banquet ce soir ? Il faut que je goûte ça !

Elle avait fait des grands sourires aux gens qui l'avaient approché, saluer d'un signe de tête courtois, fait quelques signes de la main. Mais là, au moment qu'elle avait jugé opportun pour partir, elle avait eu une information qui l'obnubilait. Le banquet. Et pas n'importe quel banquet. Son trajet en ligne droite bouscula quelques épaules pour arriver à son objectif, le stand de victuailles aussi pompeux que délicat. Une bouchée de ceci sur du cela. Un brin de machin assaisonné aux bidules.

- Oh ! Et cha c'est quoi ? Un Sanduich ? A la Fraise ?

Soudain, un toast sauvage apparut dans les airs. Et quel regard noir envoyé de Lia à son expéditeur. Attendez qu'elle finisse celui-ci et celui-là et elle montrera de quoi elle se chauffe. On ne joue pas avec la nourriture !

Le projectile improvisé avait jeté un léger froid pendant quelques instants. Moi même, je n'étais pas franchement ravie de ce comportement et je croisais quelques regards qui en démordaient autant. Dans un des coins de la pièce, je pus même observer un autre SOLDAT qui semblait désespérer. Un homme plus petit et frêle discutait avec lui. Cela ne me disait rien mais connaissant le SOLDAT en question, faire un brin de causette ne devrait pas être de sa propre volonté. Je regardais ma montre. Non pas que j'en avais vraiment besoin mais vous savez une montre c'est un objet de représentation sociale. Je montre que j'ai une belle montre et les gens savent que j'ai de l'argent. Et si moi, je la porte, d'autres voudront la porter. On appelle ça un placement de produits, et la Shinra m'oblige à en faire quelques uns. Surtout pour les produits qu'ils gèrent eux même. Après, elle est pas moche cette montre, mais rien n'est plus pratique qu'un PHS pour avoir l'heure exacte, non ? Toutes ces aiguilles complexifie la lecture.

En tout cas, j'avais fait assez de présence pour ce soir et je me préparais à partir, non sans faire une bonne action. Je m'approchais de Squall en faisant un signe poli à l'homme à ses côtés. Je dois avouer que de dos, je n'étais pas certain du sexe de son interlocuteur. Mais il n'était pas le seul à avoir un look plutôt androgyne, si on peut dire.

- Bonsoir ! Excusez-nous monsieur, nous avions à parler de manière confidentielle...

Djemi salua donc le soldat d'élite avant de se diriger vers un autre couple, un homme au costard et une femme à la belle robe bleue. Une SOLDATE, si elle ne se trompait pas. L'homme avait un faible pour cette catégorie de gens ? Apparemment pas, car il semblait juste serrer la main de l'homme avant de quitter la pièce.

- Bon, tu m'en devras une pour celle-ci Squall ! Je vais pas m'éterniser ici, et quelque chose me dit que dès que tu peux, tu t'enfuiras d'ici aussi.  

Squall, SOLDAT d'élite. La crème de ce qui se faisait à la SHINRA, et dans le monde même. Et même s'il était peu loquace, il était celui qui avait peut être moins un grain que les autres. Parmi ceux qui étaient encore en service. Je savais que la causette était pas son arme ni son passe temps favori. Je m'apprêtais à partir mais avant j'allais lui sauver la mise. Est-ce que j'avais quelque chose en tête ? Sur le coup, non, mais alors que je l'incitais à se souvenir qu'il aurait une dette envers moi, je me souvenais d'une information glanée dans la journée.

Je pensais que maintenant que je lui avais donné une porte de sortie, il allait s'y engouffrer et disparaître de la soirée mais non, il attendait une suite. Et bien, s'il insistait, je pouvais lui en parler dès maintenant.

- Je te sens tellement reconnaissant, c'est touchant je lançai un clin d'oeil pour asseoir l'ironie de ma réplique. J'ai cru entendre que tu allais bientôt quitter Midgar

Je ne m'attendais pas tellement à ce qu'il rentre dans les détails ni même qu'il sorte un son de sa bouche mais dans son regard, je verrais bien s'il comprenait que je savais aussi sa destination.

- J'aimerais que tu m'emmènes avec toi. Voire même si tu peux me déposer à Costa, la moindre des choses pour un chevalier tel que toi, non ? En échange, je me tairai pendant tout le trajet, pas d'obligation de me parler, je profite juste de l'occasion, ça t'irait ?

Deuxième chose à savoir sur Squall, c'est qu'hormis son côté pas très bavard, il ne semblait pas du genre à faire des choses illégales ou dans le dos de ses ordres de mission. Ou alors si c'était le cas, il était très discret. Pas le genre à se lancer dans un truc s'il ne connaît pas les réelles motivations de la personne.

- Tu dois savoir qu'on m'autorise pas trop à m'aventurer sans escorte. Si je suis accompagné d'un SOLDAT, on m'autorisera à aller prendre un peu le soleil.  

Ce que j'allais y faire à Costa Del Sol, ça je pensais bien que ce serait le cadet de ses soucis. A voir s'il allait accepter de faire un tout petit détour. Et je tâcherai de garder le silence.